Histoire de la profession

Les interprètes professionnels ont toujours joué un rôle central dans les relations internationales


Le deuxième plus ancien métier du monde

Tout au long de l’histoire, les interprètes ont toujours fait partie du décors dans les relations et les négociations interculturelles, bilingues ou internationales. À tel point que, bien souvent, on ne retrouve aucune trace d’eux dans les récits. Croisés, explorateurs, conquérants, marchands, diplomates et bien d’autres ont eu besoin d’un intermédiaire capable de combler le fossé des différences culturelles et linguistiques. S’il existe bien des preuves des premiers « interprètes » – pour les citer à Byzance par exemple, en Angleterre à l’époque de la Conquête normande ou encore dans l’Empire Ottoman , ces intermédiaires se sont souvent retrouvés poussés dans l’interprétation ou s’y sont consacrés car cette tâche était facilement conciliable avec leurs autres activités.

Les langues de la diplomatie

En Europe occidentale, à l’époque médiévale et pendant la Renaissance, les gens éduqués communiquaient en latin, qui resta la langue des échanges internationaux jusque bien après le début du dix-huitième siècle. Il fut remplacé alors par le français qui devint lingua franca jusqu’au début du 20ème siècle.

Interprétation de conférence

Lors de la négociation du Traité de Versailles, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, les représentants du Royaume-Uni et des États-Unis choisirent de parler anglais. Les réunions étant menées en français et en anglais, ils eurent donc besoin d’interprètes. Ces tout premiers interprètes de conférence, à l’instar de Paul Mantoux et Jean Herbert, travaillaient en consécutive. Ils prenaient la parole afin d’interpréter les discours des délégués, se mettant ainsi à la place de l’orateur : ces pionniers furent les premiers interprètes de conférence.

Les premières organisations internationales, la Société des Nations et l’Organisation internationale du travail utilisaient également l’interprétation consécutive. Néanmoins, L’OIT se rendit rapidement compte que la consécutive était trop chronophage quand elle était employée pour plus de deux langues de travail. C’est pourquoi elle décida, dans les années 1920, d’essayer l’interprétation simultanée. Dans les années 1930, André Kaminker et Hans Jacobs, deux membres fondateurs de l’AIIC, utilisaient également une forme d’interprétation simultanée pour interpréter les discours d’Hitler à l’intention d’un public francophone.

Les Procès de Nuremberg

Ce n’est qu’à l’occasion des procès historiques des criminels de guerre Nazi en 1945-46 qu’est utilisée pour la première fois l’interprétation simultanée telle qu’on la connait aujourd’hui. Le colonel Léon Dostert, qui interprète pour le Général Eisenhower, est responsable de l’organisation. Il met sur pied un système d’organisation du travail qui fera ses preuves et perdurera: il décide que 4 équipes d’interprètes sont nécessaires, que ceux-ci doivent jouir d’une vue dégagée sur la salle d’audience, non seulement lorsqu’ils interprètent le procès mais également lorsqu’ils ne travaillent pas, afin de pouvoir suivre les débats. Il décide également de leur accorder des pauses. Les interprètes qui doivent travailler lors de ces procès et qui ne connaissent pas encore l’interprétation simultanée ont également la possibilité de se former.

1945 et depuis

Les interprètes de conférence ont joué un rôle considérable dans la période d’après-guerre. Bien que l’interprétation consécutive restait le choix de prédilection pour certaines réunions, les Nations Unies et ses organisations associées avaient décidé de travailler principalement en simultanée. Progressivement, les pionniers furent remplacés par une nouvelle génération d’interprètes : des femmes et des hommes, issus d’un cadre plurilingue ou ayant étudié les langues à l’école et à l’université. Nombre d’entre eux sont ensuite allés plus loin et ont suivi une formation dans l’une des écoles de plus en plus nombreuses spécialisées dans l’interprétation.

Reconnaissance de la profession

Le développement de l’interprétation de conférence après la Seconde Guerre mondiale a conduit à la reconnaissance de la contribution apportée par les interprètes de conférence qui participent à toujours plus de conférences internationales, d’organisations, de conventions et de traités. C’est cette détermination à s’assurer que cette reconnaissance se traduise en respect de la profession et en solidarité qui a mené à la création de l’AIIC en 1953

Voir aussi: L'histoire de l'AIIC


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